Le Puy -Toulouse
Sur le Saint Jacques de Compostelle et le bassin minier Decazeville
Aout 2012
Tout au long du Moyen Âge, Saint-Jacques-de-Compostelle fut la plus importante de toutes les destinations pour d'innombrables pèlerins venant de toute l'Europe. Pour atteindre l'Espagne, les pèlerins devaient traverser la France, et les monuments historiques notables étaient des jalons sur les quatre routes qu'ils empruntaient.
La route de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle a joué un rôle essentiel dans les échanges et le développement religieux et culturel au cours du Bas Moyen Age, comme l’illustrent admirablement les monuments soigneusement sélectionnés sur les chemins suivis par les pèlerins en France. Les besoins spirituels et physiques des pèlerins se rendant à Saint-Jacques-de-Compostelle furent satisfaits grâce à la création d’un certain nombre d’édifices spécialisés, dont beaucoup furent créés ou ultérieurement. La route de pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle est un témoignage exceptionnel du pouvoir et de l’influence de la foi chrétienne dans toutes les classes sociales et dans tous les pays d’Europe au Moyen Age.
A Livinhac le Haut, j'ai bifurqué sur la branche sud du pèlerinage en direction de Toulouse pour rejoindre Gaby en passant par le bassin minier (Viviez, Cransac) puis en visitant Alain à Sérénac dans le Tarn. C'est dans le sud de l'Aveyron, vers Naucelle, que j'ai rencontré la dame qui m'a parlé de son diabète puis, du Dr Miracle ( cf. ci dessous)
Les gens
Les lieux
Les paysages
Le vélo
Le bassin minier, Boisse-Penchot, Viviez, Aubin, Cransac
Muriers, figuiers, pêchers, tournesol, et puis, le Capitole
2012 | Dist (km) | D+ (m) | Trajets | Héb | Highlight | |
me |
22-août |
2 |
100 |
Paris -> Le Puy (train) |
Gite |
Orage Puy |
j |
23-août |
63 |
1740 |
Le Puy -> Saugues |
Biv |
Le Puy |
v |
24-août |
61 |
1300 |
Saugues -> Aumont Aubrac |
Biv |
Plateau |
s |
25-août |
59 |
740 |
Aumont Aubrac -> Espalion |
Gite |
Aubrac |
d |
26-août |
56 |
1280 |
Espalion -> Conques |
Monastère |
Conques |
l |
27-août |
52 |
1100 |
Conques -> Cransac |
Biv (pluie) |
Plateau |
ma |
28-août |
56 |
1200 |
Cransac -> Pradinas |
Habitant |
Segala |
me |
29-août |
72 |
1200 |
Pradinas -> Sérénac |
Biv (orage) |
Viaur viaduc - Méridienne |
j |
30-août |
72 |
450 |
Sérénac -> Rabastens |
Camping (pluie) |
Rabastens |
v |
31-août |
72 |
800 |
Rabastens -> Toulouse Purpan |
Chez Gaby |
Isle sur Tarn |
s |
01-sept |
22 |
100 |
Toulouse -> Paris |
|
|
|
Total |
587 |
10 010 |
62 km/j |
|
Vélo : 17 kg / bagages : 10 kg |
On l'appelait le Dr Miracle...
C’était juste une porte avec des carreaux et des rideaux. Par l’ouverture, on apercevait un alignement banal de tables (dessus en marbre blanc sur bâti en bois) et de chaises. Une feuille de papier suspendue à la vitre par une ficelle indiquait dans une grosse écriture : Café. C’était donc là que je devais me rendre, Aucun comptoir dans ce café, juste une porte donnant sur une cuisine où des femmes s’affairaient pour faire … la cuisine. Le café était dans une banale cafetière en verre et j’en commandais une tasse. J’étais rentré par une sorte d’intuition dans cet établissement relique en suivant une vieil homme qui rentrait du marché avec son cabas lourd.
Je m’assied à une table en face de la sienne et cherche un moyen pour nouer la conversation. Peine perdu, il est peu volubile et je me demande si mes paroles arrivent à son cerveau. Une dame s’installe en face de moi et la conversion démarre plus facilement. On parle de son diabète et elle m’explique ses traitements et la manière de l’équilibrer. Le ton est rapide comme avec les femmes du sud-ouest, les « r » roulent comme des galets dans un torrent. On évoque l’Aveyron et je lui parle Viviez où je suis passé trop vite hier avant de dormir à Cransac. « Viviez ? j’y ai vécu toute ma vie ». A tout hasard, je lui parle du Dr Ratel. Ses yeux brille : « vous pensez bien que je l’ai connu, on l’appelait le Docteur miracle ». Enfin, une trace à 53 ans de distance. Mais j’ai à peine l’intention de débriefer plus ma source qu’une dame apparaît qui presse tous les vieux qui sont maintenant installés dans le "café". C’est le taxi collectif qui ramène à la gare de Naucelle les vieux de retour du marché. Elle presse tout son petit monde et je reste un moment rêveur avec l’image du Docteur Miracle dans la tête et les rares fils tissés qui rattache les branches de l’arbre aux racines.
Vendredi 31/08. Le temps est couvert. La dame du musée a un splendide accent du sud-ouest avec le tempérament qui va avec : chantante, exubérante, expansive, intrusive. Admirative devant le chemin parcouru par les pèlerins. « Vous venez pour le tampon ? Passez demain matin, je vous le mettrai ». Bizarre, aucun gite dans cette ville alors qu’il y a tant d’hébergement bon marché sur le sentier classique. « Il n’y a que les cyclistes qui font cette branche du chemin ». « Venez voir demain la statue de saint Jacques de mon musée, et je vous mettrai le tampon de passage ». L’intérêt de voyage en France, c’est qu’on y parle assez couramment le français et on comprend mieux les problèmes des gens. « Heureusement, ils avaient de la place en maternelle petite section pour les 2 jumelles » me dit la dame du café de Couffouleux (gare SNCF sur la ligne Toulouse Rodez). Les figuiers sont nombreux au bord des petites routes avec les figues jaunes délicieuses lorsqu’elles sont mangées chaudes sur l’arbre. Les pêchers ont leurs derniers fruits, les oliviers réapparaissent. Un dernier coup de cul à Montastruc (j’aurai du faire gaffe au nom et accorder plus de confiance au paysan qui m’avait conseillé de prendre la nationale, évitant la ville et plate).
A l’approche de l’agglomération toulousaine, le paysage se mite. Lotissements, terrassements, zones commerciales, rocades. L’arrivée sur Toulouse en vélo passe par des banlieues qui n’en finissent pas de dérouler leur laideur. L’agressivité et la vulgarité des enseignes commerciales n’a d’égale que celle des conducteurs. Après avoir demandé mon chemin pour bifurquer sur Purpan, j’arrive chez Gaby 18h15 pile en même temps que lui arrive du boulot. On parle de ses vacances bien occupées : Paris, Candé, Concarneau, Bourgogne, Pau, Niort et de son nouveau job où il travaille sur un simulateur de vol de l’A350 pour mettre au point et valider les modèles de simulation sur la partie commande de vol. Je fais sécher les immenses bâches détrempées par les orages calamiteux de la précédentes nuit à Sérénac et vers 22h30 on prépare les pâtes et on ouvre les bières.
La mémoire se souvient mais banalise tout. Ainsi la basilique St Sernin (compostage final de mon carnet pour attester de mon pèlerinage Le Puy – Toulouse), la vision du massif du Mt Blanc, les gorges du Verdon : revisiter est une découverte, un enchantement comme s’il y a avait superposition de 2 visions : celle immédiate pleine de détails et celle anciennes pleines de souvenir et d’affects.
Au téléphone, on apprend que le diagnostic de la maladie d’A se confirme pour Claude. Un nom, une étiquette, une douleur, le vent l’emportera et nous aussi. Nos parents qui nous rassemblaient, se présentaient comme des rocs, des modèles d’ordre et de stabilité dans un monde qui en manquait. Ils étaient la raison même et nos dérives ou argumentation n’y pouvaient rien, nous étions dans l’erreur. Et finalement, eux-mêmes partaient à la dérive ou disparaissaient comme HP l’année dernière. Nos efforts pour les aider étaient à la mesure de ce qu’ils avaient fait pour nous, de ce que nous devions faire pour eux maintenant et de notre angoisse de devenir orphelin maintenant ce qui levait le voile de notre propre finitude que nous avions de voir affronter à notre tour, les yeux dans les yeux, sans qu’aucun faux semblant de gloire, de richesse ou d’amour propre ne vienne en apporter une limitation.
Nous pique niquons sur le parvis de St Sernin (nems de chez Lidl, carottes, crème aux œufs et bière) avec Gaby. Gaby est un fin observateur des choses et de la vie autour de lui. Il voit tout et est capable de raconter avec détails, empathie et sérénité, avec la distance qui place les objets hors de portée de l’affect et donc sans les déformer trop. Il a senti cette angoisse passagère que j’avais essayé de ne pas lui faire partager pour l’épargner à mon tour comme nos parents avaient peut-être cherché à le faire. Ce soir, sa copine revenait de Madrid, son nouveau job démarrait et l’avenir s’annonçait radieux. Il pouvait tourner son regard vers un horizon bien à lui. Le train parti, en Dordogne, sur le retour, le haut des arbres commençait vaguement à prendre une teinte de l’automne. Cela se sentait que l’été touchait à sa fin. Il me semblait qu’il ne fallait pas trop laisser d’empreintes, mais seulement vivre et respirer au rythme du monde, regarder le jeu des lumières avec la course du soleil dans le ciel, savoir que ce monde ci ne serait pas celui de demain.