Egypt

Western desert route : Siwa to Luxor
March 2014

Cycling from Bahariya oasis (Bawati) to Luxor (1200 km)


Le vélo dans l'avion, toujours un grand souci : au départ c'est un paquet informe mais bien ficelé. Je négocie ferme mais rien à faire je paye un supplément vélo. Au retour, c'est déclaré comme un fauteuil roulant : après tout un vélo c'est un fauteuil avec des roues, pas très confortable et sans dossier, mais ça roule. Comme chacun le sait, faire du vélo c'est être un peu handicapé du moteur non ? Et sous la bâche bleue, qu'est-ce qu'on en voit de tout ça? Nettement moins cher pour le passager ...

              
L'Egypte vit du tourisme mais elle est vide de touriste depuis la chute de Moubarak : en passant à Louxor, vous serez donc une proie convoitée par les professionnels, marchands de souvenirs, rabatteurs et autres métiers du secteur. Ces derniers ont faim. "Excuse me sir, do you want a caleche, a sunset felouke tour, to visit my shop, to give me one pound, a camel ride ?" Et ça finit parfois par un définitif "fuck you". Même en l'absence de tourisme, la pratique de l'anglais ne s'est pas encore perdue.
Mais dans le désert il n'y a rien de tout cela. D'abord parce que le désert est désert... et qu'on n'y voit jamais trainer grand monde. Tandis qu'à Louxor aux beaux jours d'avant la révolution et hormis le sinistre attentat du temple d'Hatchepsout, c'était la foule. Ca crée des liens
 

             
Les amis du voyages : ambulanciers du désert qui m'ont nourri et hébergé, familles d'accueil qui m'ont gavés de provisions pour la route (pain, fruits, eau), Julien le paléontologue qui m'a fait découvrir les fossiles de mammifères, chauffeurs qui ont patiemment négociés chacun des 22 check points militaires, policiers qui m'ont abreuvé de thé et proposés de fumer des matières moins conventionnels, entrepreneurs de travaux publics,  fermiers des oasis, gardiens de stations de télécoms qui m'ont offert un lit dans le local technique de la station ("c'est interdit mais le chef est loin alors tu te mets dans le local technique et tu dors et ne dis rien")

               
Impossible de représenter le désert puisque c'est un lieu vide, une entité pale, une route qui ne mène nulle part, un lieu qui vous absorbe l'âme et le cœur
avec la force invisible du vent, le vent si peu visible qui brouille toutes les pistes, vous pousse ou vous malmène et en tout cas arrache des lambeaux de votre mémoire


Parfois la vie ressurgit là où l'on ne l'attendait guère. La mémoire aussi, la mémoire du sable, celle qui recrée des souvenirs de circonstances

   
 

               

                   

J'ai réussi à ne bivouaquer qu'une seule fois ... Le reste du temps j'ai réussi à être hébergé (cafétéria, gardien de stations télécom, policiers, ambulanciers). Mais des siestes, il en faut, pour couper la journée, se recréer un monde intimiste avec les paupières pour chasser le trop vaste horizon. Souvent les siestes sont écourtées un voiture passe, une moto chemine et un homme allongé avec un vélo au bord de la route ça intrigue : "do you need something ?"

     
Se perdre au milieu des grains de sable et laisser parler la petite voix qui vous guide vers l'avant. Le vent ne s'est guère montré coopératif avec le voyageur : 2 tempêtes de sable de suroit. La 2ème me laisse prostrée, accablé de chaleur et d'impuissance derrière le mur d'un bâtiment en ruine qui avait la prétention d'être une station service mais qui n'a jamais été mise en service. Le vent m'opposait la résistance d'un mur et le sable projeté me brulait les jambes et s'infiltrait derrière les paupières. Non content d'ensevelir les souvenirs, il décape les apparences et déplace les montagnes de sable. Mars est le mois des tempêtes. Le plus fort : même en plein désert, même avec une tempête, il y a des mouches pour te harceler pendant la sieste.

                     

    
Et puis il y a le miracle des oasis entretenu par l'eau (chaude) des nappes souvent pompées. On se baigne dans les canaux amolli par la douceur et la bienfaisance de ce thermalisme de plein air en admirant les champs de blés, de légumineuses, avec les vaches qui terminent le travail de fauchage des prairies. Du vert dans le désert jaune, la Normandie au bord de la mer. Les oasis ont la douceur des rêves mais ils grandissent vite avec une urbanisation assez moche et parfois prétentieuse comme la "New Valley" à Kharga.

Les oasis ne sont pas juste une petite tache verte dans le désert surmontée par quelques palmiers flottant dans le vent. En général, c'est une série de villages reliés entre eux par des champs irrigués et au cœur desquels il y a une petite ville. La construction y va bon train, il y a des transferts de population et le gouvernement a toujours ce vieux projet de détourner les eaux du Nil pour relier ces oasis entre eux dans le projet de New Valley en cours depuis les années 60 mais qui, pour l'instant n'a pas beaucoup avancé.

        

    


Hommage à ces valeureux ambulanciers postés en plein désert à se faire chier des jours entiers devant la télé sat. alimentée par des panneaux solaires et qui voyaient surgir, généralement en pleine nuit (mais toujours à l'heure du diner) un Zébulon hagard, assoiffé  et affamé et avec qui ils partageaient leur repas du soir devant des séries qataris ou boliwoodiennes, des matches de catch, des publicités sirupeuses avant que leur hôte d'un soir ne s'effondre pour aller dormir dans un coin du garage sous l'œil intéressé des chiens. Le matin, le Zébulon disparaissait vite : avec  le soleil il ne faut pas plaisanter dans le désert : "beat the heat" est le mot d'ordre


Dans ma rue à Louxor, au petit matin, les moutons sortent de la porte de mon voisin d'en face et partent
au boulot vers leurs pâturages, le long du Nil


Joueda est un homme calme et d'un tempérament optimiste : il tempère les fausses colères bureaucratiques des militaires aux check points de la route Siwa - Baharaiya, montre que la bienveillance d'Allah l'emporte sur tout le reste, qu'il ne sert à rien de prétendre que nos ausweis et autres sauf conduits ne sont pas en règle. Il reste impassible devant la cosse en plomb de sa batterie qui a fondu sur un court circuit. Ma médiocre trousse à outil du vélo me permet la réparation sous son œil bienveillant et celui intéressé du chef de poste militaire encore en pyjama à 10 h du matin et qui trouve là une raison valable d'arrêter sa colère. En pyjama le chef ?  Etre en plein désert autorise certaines licences avec l'accoutrement réglementaire que l'armée pourtant fort riche en Egypte n'aurait plus les moyens de financer. Mais c'est vrai que la kalachnikov sur le pyjama ca a de la gueule. Dans le désert, les apparences ne comptent plus.


Au Caire,  je manque plusieurs fois de me faire écraser sur les larges avenues à la circulation démente : aussi, un long séjour à la mosquée Al Ahzar s'impose pour récupérer de mes frayeurs, remercier Allah qui n'a pas encore voulu cette fois-ci. Et dormir un peu. La mosquée a ceci de sympathique que c'est un lieu de vie éminemment social : hormis le fait d'y prier (5 fois dans la journée), on peut venir s'y reposer, dormir, lire le journal, discuter, parfois même casser la croute (en dehors du ramadan)

                        
C'est encore loin le prochain oasis ? Tais-toi, ruse avec le vent et roule. A la fin, ça faisait presque 1200 km. Il m'aura fallu pédaler beaucoup, rouler de nuit pour rattraper mon plan de marche perturbé par les tempêtes, rouler de nuit avec une faible lune et subir quelques hallucinations : tiens, la route est bordée d'arbre, c'est curieux ça dans le désert ? Et là-bas un lampadaire accroché au mur d'une maison, c'est étrange ? Et ce mono-phare, puissant, là juste devant à 100 m, c'est la lumière de la mort non, son œil de cyclope ? Non c'est juste un camion et il est encore à 5 km au loin, mais faudra songer à allumer la frontale pour se signaler à son passage.

              
Désert blanc, il ne fallait pas manquer cela. C'était un must, on m'en avait beaucoup parlé. Je l'avais manqué à cause de la 1ère tempête de sable de Sud Ouest. J'y suis alors revenu vers le soir quand le vent s'est calmé en 4x4 (!) avec le fils du patron de l'hôtel de Farafra. "Tu veux une photo de toi ?" Allez, va pour une photo de moi. Et le 4x4 permet de glisser sur le sable dans les approches les plus scabreuses.


Au bout de la route, il y a enfin le Nil rejoint à Louxor, une eau qui coule sur 5.000 km, le plus long fleuve d'Afrique que je connais bien maintenant pour l'avoir beaucoup fréquenté au Soudan : cette artère irrigue les terres qui le bordent de part et d'autres et où, sur 5% du territoire de l'Egypte, se concentre une population de 80 millions d'habitants.

    
Au bout du chemin après avoir connu la puissance et la gloire, le pharaon traverse en barque le fleuve de la mort. Il ne doit pas se tromper dans les réponses aux questions précises qui lui sont posées avant que d'être jugé par le dieu Osiris. C'est long de mourir mais ce petit trajet en barque si bien entouré doit être distrayant.

Tableau de marche

    date km vélo D+ Where Hightlight Accom Vents
1 j 27/02/2014     Paris Départ   na
2 v 28/02/2014     Le Caire Le Caire islamique Hôtel na
3 s 01/03/2014 10   Siwa Oasis, source chaude Cléopâtre Bus na
4 d 02/03/2014 20   Siwa Lac, ballade, recherche fossile Maison privée na
5 l 03/03/2014 10   Bahariya 420 km de désert Siwa - Bahariya ; check points militaires Hôtel Vent fort de secteur sud
6 ma 04/03/2014 125 630 Désert blanc Désert ,,, Station relais télécom NW 3
7 me 05/03/2014 40 100 Farafra Vent de SW (tempête) et désert blanc ++ Hôtel S puis SW 5 à 6 (1ère tempête sable)
8 j 06/03/2014 147 700 Désert    Bains sources chaudes, cultures irriguées Bivouac NW à NE  faible 2
9 v 07/03/2014 83 300 Oasis Dahkla - Gharb Mawhub 2ème tempête de Sud - Oasis Café SE 6 (2ème tempête de sable) puis SW modéré 
10 s 08/03/2014 88 400 Oasis Dahkla Mut Bains - Oasis Hôtel N / NW 3
11 d 09/03/2014 113 500 Désert 100 km sud Dahkla Orage de grêle, village ancien El Kasr Poste ambulance N 3 à 5
12 l 10/03/2014 104 750 Kharga Paysages, Kharga Hôtel N 3 à 6
13 ma 11/03/2014 140 700 125 km sud de Kharga Nécropole chrétienne de Bagawat, joli désert Poste ambulance N 3 à 4
14 me 12/03/2014 110 670 235 km sud de Kharga Ambulanciers, beau désert, vitesse Poste ambulance 1018 HP vent nul matin 4 à 5 WNW l'après midi (rear wind)
15 j 13/03/2014 125 560 Louxor Arrivée sur Louxor Hôtel 1021 Hp Nord 4 à 5
16 v 14/03/2014 33 570 Louxor Tombeaux vallée des rois Hôtel Secteur nord
17 s 15/03/2014 22 100 Paris Temple de Karnak Maison    Secteur nord
      1170 5980        
Budget : 760 € (avion : 360 € + 60 € vélo) ; Dépenses : 340 € (dont 130 € de Pick Up et 4x4)  

La feuille de route magique qui indiquait les distances et s'est montrée assez fiable pour structurer mes étapes

Writing : notes

La poussiéreuse bouteille de Volnay 1985


L'œil de la mort dans le désert


Les "colères" arabes : le spectacle à la place de la violence

Ambulanciers du désert


Two southern Sand storms

Embarquement, le sas de décompression


Au Caire, l'ascenceur du Dahab hôtel : un ascenseur où l'on ne peut que monter : pour descendre avec l'engin, tu prends l'escalier, tu vas au RDC chercher la cabine, tu montes et par la même occasion tu peux descendre alors mais seulement à partir de la cabine.


Deux points de vue sur la révolution égyptienne : "La révolution ? on mettra des années à s'en remettre et de toute façon si vous regardez bien, au fond c'est la faute d'Israël". "Et pourtant, on devrait tous s'entendre. On est fait pour vivre ensemble. Tiens je vais te montrer un bon restaurant de Kochori dans ton quartier à coté de Talaht harb".

L'homme de l'office du tourisme de Siwa est une homme un peu seul en cette période pénurie de touristes, il n'a pas de client, il reste ouvert jusqu'à 10h du soir, s'absente juste le temps de la prière mais vous l'attendez sur une chaise sur la terrasse et il est délicieux. Deux jours de négociation avec le rituel RDV du soir après la prière, des moments de découragement et puis : "j'ai trouvé pour toi une solution moins chère  pour aller à Bahariya : tu prendras un pick up et on forcera la main aux militaires pour leur faire accepter cela". C'est 800 LE, je ne marchande pas. Il me présente mon chauffeur pour demain : c'est Jouida. On fera les 420 km ensemble. Il a prévu du bois pour faire la cuisine en cours de route mais le vent nous en empêche. Au 8ème poste de contrôle militaire (il y en aura 22 !) il troque le bois contre du pain. On mange notre pain-concombre-tomate en roulant.

A Siwa, je reçois des nouvelles de France plutôt mauvaises et je suis inquiet pour la suite de mon voyage : je m'astreint donc à ne rien visiter mais préfère plutôt aider Fahrmi à réparer l'enclos de ses chèvres.